vendredi 3 février 2012

Pourquoi le Conseil constitutionnel a t-il fait une mauvaise application du droit ?

Au delà de la désapprobation générale populaire, nationale et internationale de la décision du conseil constitutionnel sénégalais, l'arrêt rendu par les 5 "sages" nommés par Wade et qui a validé la candidature du Président sortant et ayant épuisé ses deux mandats est motivé par des considérations qui n'ont rien de juridique. Parmi les éléments d'analyse juridique d'une décision grave de conséquences qui a enfoncé le Sénégal dans le classement des République bananières, nous pouvons retenir fondamentalement :

1 - Une mauvaise application des règles de conflit de lois dans le temps.
2 - Des affirmations sans base légale.
3 - Une conclusion fausse et contraire à la lettre, à l’esprit ainsi qu’au but poursuivi par la Constitution.

De quoi s'agissait-il ? : « L’article 27 de la Constitution dispose que la durée du mandat du Président de la République est de sept ans... le mandat est renouvelable une seule fois ; que l’article L04 de la Constitution prévoit que le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme ; toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables. »

Sur la violation des articles 27 et 104 de la Constitution

1. Considérant que la Constitution de 2001 a vocation à recevoir une application immédiate conformément à l’alinéa 1er de l’article 108 de la Constitution qui dispose : «La Constitution adoptée entre en vigueur à compter de sa promulgation par le président de la République. Cette promulgation doit intervenir dans les huit jours suivant la proclamation du résultat du référendum par le Conseil constitutionnel» ;

Observations : Exact. La conclusion qu’il faudrait en tirer est que les dispositions de la Constitution de 2001, y compris celle instituant la règle du renouvellement unique du mandat du président de la République, ont vocation à s’appliquer dès 2001, date de promulgation de la Constitution.

2. Considérant, néanmoins, que le constituant peut en décider autrement ;


Obs. : Absolument ! Le Constituant en décide autrement par l’entremise d’une « disposition transitoire », c’est à dire un « ensemble de règles gouvernant l’application de la loi dans le temps qui déterminent le domaine respectif de la loi ancienne et de la loi nouvelle. » Tel est l’objet de l’article 104 qui est effectivement une disposition transitoire.


3. Considérant que cette volonté souveraine est traduite par l’article 104 de la Constitution qui dispose que «le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme» ;

Obs. : Exact.


4. Considérant que le même texte précise dans l’alinéa 2 que toutes les autres dispositions de la Constitution lui sont applicables ;


Obs. : Juste.

5. Considérant que cette décision du reste superfétatoire, vise, entre autres, la limitation du mandat du président de la République à un seul renouvellement consacrée par l’article 27 de la Constitution.

Obs. : Dès l’entame de la phase discursive, la confusion faite entre « décision » et « disposition » trahit un malaise et une absence de sérénité qui commencent à s’installer. La disposition de l’article 104 alinéa 2 est loin d’être superfétatoire. Elle intervient pour introduire un contraste, une différence de régime entre la durée du mandat pour laquelle la Constitution de 2001 ne s’applique pas au « mandat en cours » et les autres dispositions de la Constitution, y compris la règle du renouvellement unique, qui sont d’application immédiate dès promulgation, donc à compter du 22 janvier 2001.


6. Considérant que, toutefois, sauf mention expresse, elle ne peut concerner, sans incohérence, le mandat que l’article 104 a placé hors de son champ d’application en le faisant régir par la Constitution de 1963 ;


Obs. : La notion de « mention expresse » est importante à retenir. En d’autres termes, on voudrait dire que les nouvelles dispositions de la Constitution sont d’application immédiate, sauf si le Constituant décide expressément qu’il en sera autrement.

Vérifions cela !

Immédiatement après, il est déclaré de façon péremptoire que l’alinéa 2 de l’article 104 ne peut concerner le premier mandat obtenu en 2000. Sur quelle base affirme-t-on cela ? On ne le dit pas. Où se trouve dans le texte de la Constitution la « mention expresse » qui permet d’affirmer que la règle du renouvellement unique ne concerne pas le mandat de 2000 ? Comment peut-on sérieusement affirmer que la disposition sur la limitation du nombre de mandat ne peut concerner le président de la République élu en 2000, si l’on sait que cette disposition est d’application immédiate et il n’y a, dans le texte de la Constitution, aucune « mention expresse » qui écarte cette application ?

N’oublions pas. Nous sommes bien d’accord que l’article 104 est une disposition transitoire. La Constitution le dit expressément sous le « TITRE XIII - DISPOSITIONS TRANSITOIRES. »

Nous avions dit qu’il s’agit d’un ensemble de règles qui déterminent le domaine respectif de la loi ancienne et de la loi nouvelle.

La seule question pertinente qui mérite alors d’être posée est celle de savoir qu’est ce qui demeure sous l’emprise de la Constitution de 1963 et qu’est ce qui est désormais régi par la nouvelle Constitution de 2001.

La réponse est claire comme l’eau de roche ! La durée du mandat reste régie par la Constitution de 1963 parce que le Constituant par une « mention expresse » a dit que « le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme ». Par contre, le nombre de mandat passe sous l’emprise de la nouvelle Constitution pour trois (3) raisons majeures :

1. Principe de l’Application immédiate de la loi nouvelle, la disposition sur le nombre de mandat est appliquée immédiatement à compter du 22 janvier 2001, date de promulgation de la nouvelle;

2. Absence dans le texte de la Constitution d’une « mention» qui permet de placer la question du nombre de mandat hors du champ d’application de la Constitution de 2001.

3. L’article 104 alinéa 2 énonce expressément que toutes les autres dispositions de la Constitution de 2001 sont applicables au Président de la République en fonction. « Toutes les autres dispositions », y compris donc la disposition relative à la limitation du nombre de mandat à deux.

7. Considérant au surplus, que la durée du mandat, traduction temporelle de celui-ci, ne peut en être dissociée ; que dès lors, le mandat écarté sans équivoque par l’article 104 de la Constitution ne peut servir de décompte référentiel ;


Obs. : Si la durée du mandat est une traduction temporelle, la question du nombre traduit une dimension quantitative, deux notions donc parfaitement dissociables et bien dissociées par le Constituant. En conséquence, affirmer que l’article 104 a placé hors de son champ d’application le mandat du président de la République en cours en 2001, en le faisant régir par la Constitution de 1963, est une inexactitude. La vérité est que le Constituant a laissé la question de la durée du mandat dans le champ d’application de la Constitution de 1963 et il a placé la question du nombre de mandat dans le champ de la Constitution de 2001.

8. Considérant, par suite, que le président de la République, sous la Constitution de 2001, effectue un premier mandat durant la période 2007/2012 ; qu’il est donc en droit de se présenter à l’élection du 26 février 2012 ;

Obs. : Depuis quand le président de la République a été sous la Constitution de 2001 ? Depuis 2001 ou depuis 2007. Avec quelle Constitution il a exercé ses prérogatives entre 2001 et 2007, la nouvelle ou l’ancienne. Son mandat durant la période 2007/2012 est bien un second mandat. S’il se présente à l’élection du 26 février 2012, ce serait pour un troisième mandat rendu impossible par la nouvelle Constitution.

N.B. : En l’espèce, il s’agissait simplement de se prononcer sur l’applicabilité de la règle du renouvellement unique prévue par la nouvelle Constitution au premier mandat président de la République. Cette règle est applicable depuis le 22 janvier 2001, date de sa promulgation. Le renouvellement du mandat a eu lieu, une première fois, le 25 février 2007. Il ne peut y avoir un second renouvellement en 2012.

Au demeurant, pourquoi en 2001 promouvoir une réforme constitutionnelle si en 2007, il n’en est pas question et en 2012, elle n’est pas applicable ? Il faudrait donc patienter jusqu’en 2019, donc dix-huit (18) ans après pour lui trouver une première application !... Eurêka !!! La réforme constitutionnelle serait destinée aux enfants nés en 2001, année de sa promulgation. En 2019, ces enfants auront 18 ans révolus, ils pourront alors se rendre aux urnes avec leur réforme en bandoulière…

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